Giovanni Buzi, Fragment (1997)

 

Daniel Soil: Fragments de mousse et de temple

(Texte écrit pour le catalogue de l'exposition de Giovanni Buzi "Fragments" en 1995)

Force du dos, feu, et voilà le Nom  qui surgit, le papier, la trace volontaire du moi, et qui se fond dans le magma. Les éléments se déplacent, le feu toujours, mais ailleurs, la fente aussi, réservée, pudique. La peau devient désert, et le nom crie vengeance dans sa solitude aérienne, l'indécence n'est pas de mise, il préfère l'incandescence. Règle, niveau, équilibre. A la lisière du végétal, le delta incertain du Tigre  et de l'Euphrate  se torsade. L'humain  s'insère tel un géographe; une mer, un promontoire,  un rivage, Ostie, crête de coq, sanguinolence furtive au coeur d'une soie fauve, tornade sur ciel de chauffe, et toujours  le Nom qui rappelle que tout ne va pas de soi. Perspective, superposition savante, proéminence qui tient l'adversité en respect. Mexique: il souffle, le peintre, répit, en attente d'une pluie. Pas de repères, on peut tourner  en rond  sur une telle surface, le parchemin est oublié. Fragments sensibles de mousse et de tempie, traces de rouille, blessures spectaculaires, cachots universels. Une lettre virevolte, lancées d'entre les barreaux. Magasin dégarni, où  ne subsistent que quelques précieux écrins. Chevelure calligraphiée sur laque, tatouage sur chair exquise, graffiti de l'esthète sur paroi sans rime ni raison, ciel de terre dédié à Mars, à Jupiter et autres comètes distinguées.

Roseaux et rondeurs,  voiles  de brume,  mats inflexibles,  sillages laissant les hommes pantois. C'est  une  portion   de  globe  où  les contraires  s'observent. Parfois,  un  reliquat mythologique  où  il  est question de maternité vagissante, grotte parmi les chataigniers, orée du monde, jusant sur bouleaux. Ou  de sexe: colonne franche et na!ve, pieu formant brise-lames, outil-merveille.

Puis l'abstrait revient au galop, fruit  de l'intelligence, fouet salubre chassant la poussière ensanglantée, obscurité du Dieu. Le pinceau peut être déposé,  et l'oeil se fermer délicatement. Seule la parole veille.

Daniel Soil