Tête: fragment d'un corps
Dans l’essence de sa sphéricité, la tête est un thème qui accompagne l’ensemble du parcours artistique de Giovanni Buzi. Fantasme privé du corps, il est en quête d’un espace pour vivre, d’une question à laquelle répondre. Les années romaines ont orienté cette recherche vers la composition de grandes têtes où le rouge d’un baroque romantique et sombre se conjugue à l’expression sensible et pure de la ligne étrusque. Les deux profondes racines du peintre : Rome et l’Étrurie.
Au cours des années suivantes passées à Bruxelles, les images de l’univers de Buzi, amenées à un extrême accomplissement formel, font la conquête de la couleur. Ce sont des années de réflexion et d’analyse sur l’itinéraire personnel. De grandes toiles à peine achevées, exécutées avec une grande diversité de techniques et de couleurs, sont impitoyablement découpées, hachées et réduites à de petits morceaux. Chaque morceau renferme en soi la mémoire du tout. Impuissant dans sa tentative de retour à l’unité des origines, il pleure sa solitude en restant l’unique survivant ou alors il s’accorde avec d’autres, dans un ensemble nouveau et différent. La beauté pure de l’image ne réussit plus à satisfaire la profondeur de l’esprit : il faut qu’elle soit détruite pour que puisse renaître, dans une myriade de chaos, l’épaisseur plus intense d’une réalité nouvelle.
Encore des têtes. Maintenant elles sont petites et colorées. Ce sont les dernières années, les derniers mois même : ce thème qui lui a toujours été cher revient de manière constante. Il brille désormais avec des touches de couleur et avec l’intense luminosité du blanc. Des visages qui parlent de l’amour pour l’art, de la vérité d’une recherche, de l’intensité d’une vie. De tout cela subsiste le souvenir dans la mémoire … L’œuvre continue à se raconter elle-même et à dire autre chose encore.
Paolo Raffaeli
Extrait du catalogue "Rome: matière et mémoire"
Enghien, 2015